Le sujet de cette recherche s'inscrit dans le cadre du programme franco-italien
VIRGO de détection des ondes gravitationnelles.
VIRGO est financé, pour la partie française, par le
CNRS (
IN2P3). Quatre laboratoires français (LAL-Orsay,
LAPP-Annecy, ARTEMIS-Nice, LMA, ESPCI-Paris) et six
laboratoires italiens (INFN Perugia,
INFN Pise,
INFN Naples, LNF Frascati,
INFN Florence, INFN Rome) font partie de ce programme.
Depuis longtemps, les scientifiques tentent de vérifier et de confirmer la théorie générale
de la relativité d'Einstein prédisant l'existence des ondes gravitationnelles (1915). De nombreuses
expériences ont été montées (barres très lourdes suspendues dont on mesure la
variation de longueur) mais sans véritable succès. Dans les années soixante, le principe de la
détection interférométrique des ondes gravitationnelles a été mis au point. Le
programme VIRGO est une concrétisation de cette approche.
D'autres antennes similaires vont exister dans le monde : le projet américain LIGO comportant deux interféromètres, les projets anglo-allemand
GEO 600, japonais
TAMA et australien
ACIGA. Pour valider une éventuelle
détection, il est indispensable que plusieurs interféromètres voient le même
phénomène simultanément. Cela prouve bien l'intérêt actuel porté à
ces détecteurs d'ondes gravitationnelles car, si de telles ondes sont détectées, la physique
franchirait un pas décisif : en effet, au delà de cette découverte fondamentale, on aurait
accès à de nouveaux phénomènes astrophysiques d'une grande violence.
Le principe de VIRGO est expliqué brièvement ci-dessous.
L'espace n'est pas une entité invariante mais est influencée par la distribution des masses et de
l'énergie dans l'univers. Les ondes gravitationnelles sont des perturbations de la courbure de l'espace-temps
qui se propagent à la vitesse de la lumière.
Les ondes gravitationnelles, qui sont émises par des masses très lourdes accélérées
(systèmes binaires formés par des étoiles ou des trous noirs très lourds), ont pour effet de
déformer la géométrie de l'espace-temps et donc de modifier la distance relative entre deux masses
libres. Cet effet peut être mesuré à l'aide d'un interféromètre de Michelson
réglé sur la frange noire, c'est à dire au minimum de transmitivité, et éclairé
par une source ultra-stable.
Le passage d'une onde gravitationnelle induit un changement différentiel des longueurs des bras
Dl/l de l'interféromètre, et donc un changement des conditions
d'interférence. Ainsi, le détecteur placé à la sortie de l'interféromètre
reçoit un signal lumineux signature de l'onde gravitationnelle. C'est sur ce principe de détection
interférométrique que repose le projet VIRGO (Figure ci-dessous).
Cet interféromètre de type Michelson est un peu extraordinaire par ses dimensions (bras de 3 km de long)
et par les performances quon lui demande (détection de variations de longueur
Dl/l de l'ordre de 10-21, ce qui correspond à la dimension
dun cheveu par rapport à la distance terre-soleil).
Schéma optique de l'interféromètre
Virgo ( R = Réflexion )
Dans chaque bras de l'interféromètre se trouve une cavité Fabry-Pérot (M1-M2, M3-M4),
ce qui permet de diminuer leur longueur (3 km au lieu de 150 km). Tous les composants optiques sont installés
dans des tours et sont suspendus à des systèmes d'isolation sismique très performants.
L'interféromètre fonctionne sous ultravide (10-8 à 10-9 Torr). Sa
construction est désormais achevée. Il est situé à Cascina près de Pise (Italie).
Ce projet est un véritable défi technologique du fait de son gigantisme et surtout des performances optiques
demandées pour les miroirs.
En effet, les miroirs requis pour VIRGO sont les meilleures optiques jamais fabriquées à l'heure actuelle.
Leurs pertes à 1064 nm (Absorption, Diffusion) doivent être de l'ordre de la partie par million (1 ppm);
le front d'onde des traitements en couches minces doit être inférieur à 8 nm R.M.S. sur 150 mm
de diamètre, à 1064 nm également.
La technologie pour de telles optiques existe (Dual Ion Beam Sputtering ou pulvérisation réactive par double faisceaux d'ions), mais pour des petits
diamètres de l'ordre de 1 pouce (miroirs de gyrolasers). Le programme VIRGO demande de l'étendre à
de grands miroirs de 350 mm de diamètre. Ce procédé de dépôt sous vide est très
lourd à mettre en oeuvre étant donné l'investissement qu'il nécessite ; de plus, une longue
expérience des sources d'ions est nécessaire pour les faire fonctionner de façon optimale.
Ainsi, en 1992, nous nous sommes vus confier la réalisation
des grands miroirs de VIRGO, c'est à dire réaliser
tous les traitements multicouches de ces composants optiques,
mais également caractériser leurs performances optiques
(pertes par absorption et diffusion à 1064 nm, homogénéité
du front donde, microrugosité).
Les résultats obtenus sur les
miroirs dans le cadre du programme VIRGO sont détaillés
à ce
lien.
Le tableau ci-dessous résume l'évolution des performances
des couches minces faibles pertes au cours du temps. Le résultat
est saisissant.
|
1992 |
1994 |
2006 |
Absorption moyenne à 633 nm |
20 ppm |
10 ppm |
< 5 ppm |
< 5 ppm |
Absorption moyenne à 1064 nm |
X |
2 - 3 ppm |
0,5 ppm |
0,6 ppm |
Diffusion moyenne à 633 nm |
50 ppm |
5 ppm |
1,2 ppm |
X |
Diffusion moyenne à 1064 nm |
X |
2 ppm |
0,6 ppm |
4 ppm
Æ
200 mm |
Front d'onde à 1064 nm |
X |
X |
X |
3 nm RMS
Æ
150 mm |
Diamètre des composants |
25 mm |
50 mm |
25 mm |
400 mm |
|